Malgré nous, de père en fils !
Pierre WEBER, père de Fernand, est né le 8 aout 1881 à Hanviller-les-Bitche. C’est dans ce village qu’il passe son enfance. A la sortie de l’école, il va immédiatement travailler à Pirmasen dans une tannerie-cordonnerie. Il effectue son service militaire dans l’armée allemande.1914, c’est la guerre franco-allemande. En tant qu’Alsacien-Lorrain, Pierre WEBER est conduit sur le front oriental pour y combattre les Russes.
Il est fait prisonnier par ces derniers et séjourne dans un camp à Gorki (Nijni Novgorod) à environ 400 km de Moscou.
Pierre WEBER est rapatrié en France, très vraisemblablement il fait partie d’un des six convois qui, d’août 1916 à mars 1918 transportent 5842 prisonniers de guerre alsaciens-lorrains en France. Ce voyage s’effectue généralement via Arkhangelsk et l’Angleterre, le retour en France par le Havre.
Ainsi, Pierre WEBER parvient dans la Loire, très probablement dans l’un des deux camps de prisonniers de guerre alsaciens lorrains de Saint-Rambert-sur-Loire ou de Monistrol (en Haute-Loire). Ensuite, Pierre WEBER a la possibilité de travailler dans une ferme, dans la région de Raon l’Etape-Badonvillers. 1918, c’est l’Armistice, jusqu’ici sa famille n’a aucune nouvelle de lui. Le père est malade.
Dans une lettre adressée à la famille, Pierre WEBER annonce sa libération prochaine. Le père décède le 27 janvier 1919, attendant le retour de son fils. La famille retarde les obsèques le plus longtemps possible, mais ne peut le faire indéfiniment. L’enterrement du père a lieu le matin, le fils rentre à la maison l’après-midi.
La vie reprend, célibataire pendant une année, résidant aux dortoirs rue Wilson, il se fait embaucher à l’U.C.P.M.I à Hagondange, dans le service électrique avec M.M BOUQUET et WACKERMANN (père).
Le 9 mai 1921, il épouse Mathilde SCHULER, née le 12 février 1893 à Hanviller-les-Bitche. Pierre WEBER décède le 12 janvier 1955.
À partir du 9 janvier 1922, le couple Weber-Schuler réside 17, rue de la République à Amnéville, chez Renaux. Le 22 février 1925, il s'installe à Hagondange-Cité 70, rue Wilson (en face de l’ancien hôpital), et enfin le 27 février 1926, 17, rue des Alliés à Hagondange-Cité.
Un Hagondangeois sous quatre uniformes.
Fernand WEBER est né le 27 janvier 1927 à Hanviller-les-Bitche. Sa première année de scolarité se déroule à l’école primaire, située près de l' hôpital, rue Wilson à Hagondange. Il aura M. GILLES comme instituteur.
1934, l’école de la Ballastière vient d'être construite. A l'occasion de son inauguration, les élèves des cours élémentaires et cours moyens reçoivent des gâteaux et friandises. Les différents enseignants de Fernand WEBER seront : Mme SCHEIL, M. KORNBRUST et M. LIRHANS. Qui progressera avec ses élèves, jusqu'à la classe de fin d'études.
1940, c’est la guerre, les troupes allemandes envahissent la France. La communion solennelle prévue pour le 19 mai 1940 est reportée.
Extrait du registre paroissial des communions pour 1940
Le 19 mai, vers 17h30, un avion allemand, venant de la direction de Rombas, sans doute touché par la DCA, largue des bombes Place du Marché à la cité de Hagondange. Mme GOEB, qui réside 3, rue des Alliés est blessée et doit être amputée d’une jambe. Situation tragique, la jeune femme est enceinte. La guerre terminée, le pilote de l’avion viendra lui présenter ses excuses. La communion solennelle a lieu le 28 juillet 1940. Elle se déroule dans le sous-sol de la future église, transformé en bunker, à la Cité. C'est l’Abbé BRAUBACH qui officie.
Le 1er juillet 1941, Fernand WEBER est apprenti coiffeur chez M. WILLERMAIN Joseph, à Amnéville, rue des Romains (à l’époque, Adolf Hitlerstrasse Nr 6). Le contrat d’apprentissage est établi pour 3 ans.
En 1944, comme Fernand WEBER n’est pas très assidu aux réunions de la Jeunesse hitlérienne, il est envoyé pour endoctrinement à Ludwigswinkel, en Allemagne. Il est affecté, entre autres, au nettoyage de la ligne Siegfried.
Ainsi, Fernand WEBER ne peut pas se présenter aux épreuves du CAP de coiffeur.
Le 20 juillet 1944, il est incorporé, en principe pour 3 mois, dans le R.A.D. (Reichs Arbeits Dienst) à Rypin (Pologne).
Uniformes du R.A.D.
Le 20 juillet 1944, c’est l’attentat contre Hitler.
Au R.A.D., Fernand exerce son métier de coiffeur. Alors que ses camarades creusent des tranchées à la pelle, il coupe les cheveux sur les lieux du chantier de travail. Il est d’usage que, le temps de service au R.A.D. accompli, les jeunes hommes obtiennent une permission de quelques jours, avant d’être incorporés dans la Wehrmacht. Or, en septembre 1944, Hagondange devient zone de combat et sa population est évacuée à destination de la province de Thuringe en Allemagne. Fernand n’obtient pas de permission pour se rendre en Lorraine.
En Thuringe, le père de Fernand travaille dans une usine. Les logeurs de la famille de Pierre WEBER ne sont pas des partisans du régime national-socialiste. Aussi, écoute-t-on ensemble les nouvelles transmises par Radio-Londres, fait strictement interdit et passible de sanctions sévères. La guerre terminée, la famille WEBER correspondra quelque temps avec cette famille.
Les Alsaciens-Lorrains se retrouvent groupés à Graudenz et Kulm en Pologne (Grudziadz et Kutno ou Chelmno) Pendant deux à trois semaines, ils font encore et toujours des exercices. Le 11 novembre 1944, ils sont à Stettin (aujourd'hui Szczecin, ville polonaise). Le 16 novembre 1944, c’est l’incorporation officielle dans la Wehrmacht. Fernand quitte l’uniforme kaki du R.A.D. et endosse l’uniforme vert de gris de la Wehrmacht.
Uniforme de fantassin allemand
Après une préparation militaire ultra rapide, 2 à 3 semaines, c’est l’envoi au front en Pologne. D’abord derrière les lignes, à la mi-décembre 1944. Le front est relativement calme.
Mais tout s’anime à partir du 2 janvier 1945, les combats font rage, Fernand y prend part, en particulier à la citadelle de Graudenz.
Le 5 mars 1945, il est fait prisonnier par les Russes. Rapidement, il se porte volontaire pour combattre les Allemands aux côtés des Français. Le 8 mai 1945, c’est l’Armistice, Fernand est encore à Graudenz. Puis, c’est un long et dur périple en Russie.
Tout d’abord, on gagne Odessa, base navale russe en Mer Noire…Songe-t-on à un embarquement et à un retour rapide vers la France à travers la Mer Noire ?
Surprise, c'est en train que l'on prend la direction du nord. Au cours du voyage, des prisonniers de guerre doivent descendre du train et sont répartis dans des camps. On passe près de Moscou, l’anxiété gagne les prisonniers. Les dirige-t-on vers la Sibérie ?
À Riga (Lettonie), Fernand est enfermé dans un camp. Les Alsaciens-Lorrains sont mélangés aux Allemands. Les prisonniers doivent prélever de la tourbe dans cette région marécageuse. Face aux autorités russes, la reconnaissance de l'état d’incorporé de force des Alsaciens-Lorrains est laborieuse.
Un soldat russe qui avait été détenu à Rombas en tant que prisonnier de guerre va faciliter la libération des Alsaciens-Lorrains. Mais comme il s’exprime mal, il se fait aider par un Polonais parlant allemand et qui sert d’interprète. Soudain, un ordre est donné « Alsaciens-Lorrains, sortez des rangs ! ».
Uniforme russe
Méfiants, les prisonniers s'avancent l’un après l’autre, au bout d'un moment, ils forment un groupe de 100 ou 200 hommes. Que va-t-il se passer ?
Un ou deux bâtiments du camp sont évacués et mis à la disposition des Alsaciens-Lorrains. Ouf… !
Le soir, une double ration de soupe, pain et sucre est distribuée. On veut leur accorder un régime de faveur, une dispense de travail, mais les Alsaciens-Lorrains préfèrent s’occuper en attendant le rapatriement.
Les interrogatoires se poursuivent, généralement devant une carte d’État major. D’où venez-vous ? On recherche les localités de Metz, Hagendingen (Hagondange), Stahlheim (Amnéville) connues par l’ex-prisonnier russe.
Que faisiez-vous ? L’ancien apprenti coiffeur mime le mouvement des ciseaux autour de la tête. « Dag » (Ca va !).
Un matin d'automne 1945, c’est l’annonce du départ pour les Alsaciens-Lorrains. Distribution d’uniformes russes ayant servi, mais propres. Distribution de ravitaillement, chacun reçoit une énorme miche de pain, une boîte de viande en provenance de l’armée allemande et environ 100 grammes de sucre. Et c’est le départ du camp. Lors de la montée dans le train, les Russes distribuent une scie et une hache par wagon.
Dossier du service NKVD de Fernand WEBER
Ces outils doivent permettre l’approvisionnement en bois lors des arrêts. Le train prend la direction de l’ouest. Qu’il est long ce voyage…
Près de Berlin, les Russes confient les Alsaciens-Lorrains aux Américains. Epouillage, on troque l’uniforme russe pour l’uniforme américain. Interrogatoire sévère par des officiers français, distribution d’argent allemand et américain. Et c’est le départ en train pour la Belgique et la France. Chalon-sur-Saône, un dernier tri après un dernier interrogatoire. « Vous à droite, vous à gauche ! », selon que l’on a quelque chose à reprocher à la famille.
Le soir même, c’est le départ pour Strasbourg et Metz, le lendemain, c’est le départ pour Hagondange !
Le 20 novembre 1945, Fernand retrouve sa famille, rentrée de Thuringe depuis quelques mois, elle ignorait tout de son vécu.
La sœur de Fernand avait consulté un cartomancien établi à Mondelange et celui-ci avait affirmé avec beaucoup d'assurance " Il est en vie et va rentrer ! Allez chaque soir à la gare, guettez les arrivées de trains ". Le lendemain, 21 novembre 1945 la sœur de Fernand se marie.
Le 6 mars 1946, Fernand est embauché à l’U.C.P.M.I de Hagondange. Il espère percevoir un salaire plus élevé qu'en pratiquant le métier de coiffeur.
Il est en activité jusqu'en 1979. À partir de fin janvier 1982, et pour une période de 10 ans, il est en cessation d’activité. Depuis 1992, il bénéficie de sa retraite. Il est un membre actif du Groupe d’Histoire locale de Hagondange.
Réalisé d'après un texte de Mr Albert WACKERMANN